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Voilà déjà vingt cinq ans que ce couple d'artisans a ouvert un atelier de poterie. Depuis ce temps, ces maîtres de la matière tournent et estampent avec un plaisir renouvelé pour chaque objet créé.
La visite à l'atelier du Pratu vaut vraiment le détour car Aline Prat et Thiébauld Sisson reçoivent les amateurs comme les curieux avec beaucoup de gentillesse. Intarissables sur la beauté de leur métier, ils ne manqueront pas de vous relater leur parcours artistique avant de vous expliquer et de vous montrer comment ils façonnent la terre.
Pièces uniques et en série
D'emblée, on est frappé par la profusion des pièces disposées çà et là : vases, bols, pichets, assiettes, repose-cuillères, photophores, pieds de lampe en forme de pommes de pin, ainsi que des poufs étonnants...
Des objets des plus classiques aux plus originaux qui signalent tout le talent de ces deux créateurs qui baignent dans l'univers artistique depuis leur plus tendre enfance ainsi que l'explique Aline : "Je suis née à Aubagne, le pays de la terre cuite. Mon père est ébéniste. Je ne pouvais qu'exercer un métier créatif". Elle a fait les beaux arts tandis que son compagnon a suivi une formation de dessin industriel. Après un stage au CPS de Corte, ils se sont lancés dans la création d'objets utilitaires et décoratifs puis se sont réparti les tâches en travaillant en totale complémentarité. Ainsi Aline se consacre au tournage tandis que Thiébault s'adonne au modelage et au coulage. Grâce à la technique de l'estampage, un procédé manuel par lequel il obtient l'empreinte d'un sujet, il fabrique des objets les plus hétéroclites en coulant du grès liquide dans des moules en plâtre qu'il conçoit lui-même : "Cela me permet de produire des pièces en série comme des services de table ou des pots de dragées pour les mariages". Les amoureux d'histoire seront sans doute séduits par des pièces inspirées de l'art roman, comme la reproduction du tympan de l'église San Quilicu à Cambia ou encore un élément de décor géométrique de la cathédrale de la Canonica. Et la liste est loin d'être exhaustive ! "Chaque phase de mon travail m'apporte quelque chose de nouveau" avoue t-il en nous montrant ses dernières créations.
Les potiers travaillent beaucoup sur commande pour des particuliers mais aussi pour les collectivités. Ils ont réalisé de jolies plaques de rue en céramique pour la municipalité et une multitude d'objets les plus variés.
La beauté du grès
Dès son installation, le couple a choisi d'utiliser pour ses poteries du grès du Berry et de la Puisaye : "C'est une très belle terre culinaire robuste et de qualité que nous apprécions tout particulièrement. Sa pâte se vitrifie en raison de la présence de silice". Cela donne aux poteries ce bel aspect nacré particulièrement élégant. La terre est pourtant grise à l'origine ce qui ne manque pas de surprendre nombre de visiteurs. Stockée sous forme de palettes, elle est d'abord découpée en boudins avant d'être modelée puis pétrie de manière à créer une boule. "Il faut un kilo de terre pour réaliser une assiette. Sept à huit minutes de tour sont nécessaires pour façonner la forme qu'on laissera sécher 48 heures environ" raconte Aline en plein travail. En la regardant travailler la terre, on constate que ce métier très physique non seulement ne s'improvise pas mais demande en plus de la patience et de la précision, bref tout un savoir-faire qui ne s'acquiert qu'avec le temps.
Des coloris subtils
Une fois les objets séchés, la potière s'installe au tour à pied pour réaliser la bordure de l'objet. Elle imprime ensuite avec un tampon la signature de l'atelier. Chaque pièce unique est cuite dans le four deux fois, à 1000 puis à 1300 degrés. C'est seulement après la première cuisson que vient la pose délicate de la couleur. Tel un peintre, Aline n'hésite pas à faire des recherches pour obtenir le coloris souhaité "même s'il existe toujours une part d'incertitude" comme elle l'admet volontiers. Elle prépare ses émaux à partir de minéraux et de cendres de végétaux divers tels que l'acacia, l'eucalyptus, l'olivier et les plantes du maquis. Cela donne un bleu profond tirant sur le violet et de subtils dégradés de turquoise, de vert et de marron plus ou moins foncés. "Le grès me permet de réaliser une belle palette de coloris sauf le jaune qu'il n'est pas possible d'obtenir avec cette terre. La couleur la plus demandée pour les services de table est le bleu". Ce bleu dur que l'on retrouve aussi dans les objets décoratifs se marie à la perfection avec les intérieurs tant anciens que contemporains.
La poterie du Pratu est une véritable caverne d'Ali Baba qui regorge de mille et une idées-cadeau à des prix raisonnables. Vous y trouverez assurément votre bonheur.
Francesca Quilichini - Versant Corse Femina - Corse Matin - 2 juillet 2005 |
